L’acquisition de compétences langagières est un processus bien complexe. La communication orale, en particulier, pose un défi de taille pour l’apprenante ou l’apprenant du français. Même lorsque l’élève a atteint un haut niveau de compétences langagières en français, certaines erreurs peuvent persister. Souvent, les erreurs découlent de la confusion entre les deux langues, en particulier l’anglais et le français. Le texte qui suit aidera le personnel enseignant à comprendre certains aspects du développement des compétences langagières dans le domaine de la communication orale.
Les fautes et les erreurs récurrentes
Certaines erreurs persistent même lorsqu’une ou un élève se situe aux paliers les plus avancés des Continuums. Souvent, on cesse d’y prêter attention. On parle alors de « fossilisation des erreurs ». Il arrive aussi qu’une ou un élève en apprentissage du français retienne ce qu’elle ou il entend et tente, parfois inconsciemment, de déceler un modèle de langage sur lequel elle ou il peut s’appuyer en vue de le reproduire dans d’autres circonstances. On parle alors de « généralisation ».
L’élève en question a une connaissance limitée de la langue d’enseignement. On peut donc normalement s’attendre à ce que l’élève, toujours en apprentissage du français, répète ce genre d’erreurs. Il s’agira pour le personnel enseignant de faire prendre conscience à l’élève de l’erreur en question et de déterminer l’intervention ciblée la plus appropriée pour l’aider à s’en défaire.
La qualité des ancrages de l’élève se révèle à l’extérieur du contexte structuré.Les interventions ciblées permettent à l’élève de se concentrer, pendant un court laps de temps, sur un élément spécifique des compétences langagières, qui est à développer. L’utilisation correcte de la langue en situation authentique permet de consolider les acquis langagiers. La qualité des ancrages, la facilité de s’exprimer et la confiance se développent à mesure que l’élève applique, à l’extérieur du contexte structuré, ce qu’elle ou il a appris. L’élève qui a bien saisi certaines formes verbales, par exemple, pourra généralement les employer correctement dans divers contextes. Toutefois, elle ou il pourrait commettre quelques erreurs au moment d’échanges animés, dans un contexte social ou sous pression, dans le cadre d’une présentation devant un groupe, par exemple.
Les erreurs font partie du processus d’apprentissage.À mesure qu’une ou un élève progresse d’un palier à l’autre, sa connaissance de la langue s’approfondit, et des énoncés justes se transforment en automatismes, jusqu’à ce que certaines erreurs disparaissent complètement. D’autres types d’erreurs surgissent plus tard, lorsque l’élève commence à manipuler des notions plus abstraites et des structures plus complexes. Les exemples tirés des Continuums donnent un aperçu du genre d’erreurs typiques que font les apprenantes et les apprenants du français. À tous les paliers, y compris le palier 6, les élèves répéteront à l’occasion certaines erreurs, surtout dans une situation stressante. Par ailleurs, le fait de trop se concentrer sur le bon usage de la grammaire ou sur l’emploi du vocabulaire juste peut occasionner des hésitations dans le discours de l’élève, l’intimider et lui faire perdre son débit habituel.
Une rétroaction attentionnée s’avère très utile pour faire passer l’élève au palier suivant. Il faut d’abord miser sur l’intention du message que l’élève essaie de transmettre et en interpréter le sens avant de le reformuler en guise de modèle. La correction d’une ou deux erreurs à la fois est plus profitable que de tout corriger. Les erreurs font partie du processus d’apprentissage de la langue.
Même lorsque l’apprenante ou l’apprenant du français atteint un haut niveau de compétences langagières en français, certaines erreurs peuvent persister. Souvent, les erreurs découlent de la confusion entre les deux langues, l’anglais et le français, notamment en ce qui concerne l’ordre des mots dans une phrase (p. ex., « je peux aider lui ») tournure calquée sur l’anglais : « I can help him »). Généralement, l’élève ayant atteint le palier 6 constatera son erreur et s’autocorrigera.
Les expressions familières et idiomatiques
La capacité d’utiliser une grande variété de telles expressions indique un degré élevé de compétences langagières en français.
Une expression familière est un mot ou un ensemble de mots, qui fait partie du langage courant utilisé dans la vie de tous les jours. Une expression comme « Voyons donc », par exemple, n’a pas le même sens selon qu’elle est utilisée dans un contexte familier ou dans un contexte formel.
Une expression idiomatique est composée d’une suite de mots. On ne peut déduire le sens usuel ou littéral des mots qui la composent. Une expression comme « Il pleut à boire debout », par exemple, veut dire : « Il pleut très fort ou il pleut à verse », n’a rien à voir avec l’action de boire la pluie. Les apprenantes et les apprenants du français ont tendance à interpréter littéralement ces expressions, ce qui peut donner des résultats cocasses… ou fâcheux, selon le cas.
Ces expressions servent à ajouter du piquant, de l’humour et de la couleur à la langue courante. La capacité d’utiliser une variété de telles expressions indique un degré élevé de compétences langagières dans l’acquisition du français comme langue d’usage. Les paliers de TACLEF reflètent la capacité croissante d’une ou d’un élève à comprendre ces mots et ces expressions dans ses lectures et à s’en servir convenablement dans ses communications orales et écrites.
Les éléments de cohérence
Dans un discours ou une rédaction, certains mots ou groupes de mots servent à lier les idées entre elles (p. ex., et, puis, parce que, si) ou à marquer une succession dans le temps (p. ex., d’abord, avant, après, pendant, ensuite). Il y a aussi des mots de substitution qui servent à remplacer un mot ou un groupe de mots déjà mentionné et à produire des énoncés cohérents (p. ex., lui, ceux-ci, cela). Ces mots servent à faire le lien entre ce qui a été dit et ce qui suit.
Le langage scolaire fait un plus grand usage d’éléments de cohérence que le langage courant ou fonctionnel.Plus les élèves avancent dans leur scolarité, plus elles et ils doivent enrichir leur répertoire d’éléments de cohérence pour pouvoir comprendre la matière et organiser leurs idées de façon logique, tant dans leurs présentations orales que dans leurs rédactions. Les descripteurs de TACLEF offrent des exemples de mots de liaison qui aideront les élèves à progresser d’un palier à l’autre.
La grammaire
Selon Le Petit Robert, « La grammaire est l’ensemble des règles à suivre pour parler et écrire correctement une langue. » Cela comprend la phonétique (prononciation), la morphologie (forme d’un mot) et la syntaxe (relation entre les unités linguistiques). Chaque langue est régie par ses propres règles de grammaire. Pour les apprenantes et les apprenants du français, l’utilisation conjointe de l’anglais et du français peut provoquer des erreurs de prononciation, de morphologie et de syntaxe. Le son d’un phonème, les combinaisons de lettres et la position des mots dans une phrase diffèrent selon que la phrase est en français ou en anglais. On peut penser à la prononciation de criminal par opposition à criminel ou à des structures de phrases telles que « I helped him – Je l’ai aidé » et non « J’ai aidé lui ». Ces différences linguistiques sont les causes d’erreurs les plus fréquentes chez l’apprenante ou l’apprenant du français. Il importe donc de donner à ces élèves de multiples occasions d’entendre ou de lire ces types de phrases et de s’y familiariser à l’aide d’exercices de substitution et de renforcement.
L’emploi fréquent et l’emploi moins fréquent de mots
L’emploi fréquent de mots renvoie aux mots ou aux expressions qui reviennent souvent dans les échanges familiers et quotidiens (bonjour, porte, chaise, devoirs, manger, exercice, tableau, viens ici, etc.) ou dans les textes que l’on peut lire dans l’environnement immédiat (tous les mercredis, à la bibliothèque, l’horaire, etc.). Les paliers 1 et 2 de TACLEF tiennent compte de ces mots et de ces expressions de la langue courante.
L’emploi moins fréquent de mots désigne les mots moins courants, telle la terminologie employée dans les manuels scolaires et propre à certains domaines d’étude (p. ex., volcanique, écliptique, trapézoïde). Il faut alors prévoir de multiples occasions de renforcer l’utilisation de ces termes, tant dans l’apprentissage des matières autres que le français que dans les contextes sociaux. Les paliers 3, 4, 5 et 6 misent sur l’apprentissage des mots moins courants que l’on peut réinvestir dans les autres matières à l’étude (p. ex., phosphorescence, équité).
Le langage fonctionnel et le langage scolaire
Une majorité d’élèves peuvent être fonctionnelles et fonctionnels dans leurs communications de tous les jours après la première ou la deuxième année d’apprentissage du français, selon les conditions du milieu dans lequel elles et ils évoluent, et les appuis reçus à l’école de langue française. Ces élèves peuvent généralement suivre toutes les consignes et tenir des conversations sur des sujets connus ou dans un contexte familier. Pendant cette période de deux ans, elles et ils consolident leur connaissance du vocabulaire courant et familier. On parle ici d’acquisition du vocabulaire fonctionnel.
Bien que l’apprentissage du langage fonctionnel se fasse habituellement au tout début de l’apprentissage du français comme langue d’usage, il n’est pas exclu que l’apprentissage du langage scolaire se fasse simultanément. Normalement, en milieu scolaire, les deux habiletés sont développées simultanément, mais à un rythme différent, puisque le langage fonctionnel de l’élève dépend grandement du contexte dans lequel elle ou il évolue au quotidien. L’élève doit toutefois acquérir bon nombre des compétences langagières scolaires nécessaires aux apprentissages qu’elle ou il aura à faire dans toutes les autres matières.
L’écart entre le langage fonctionnel et le langage scolaire varie au fur et à mesure que l’élève progresse dans le Continuum. C’est la raison pour laquelle les descripteurs et les exemples donnés aux paliers 4, 5 et 6 sont de nature plus technique ou « scolaire ». Un même descripteur au cycle suivant se rapportera à des notions nettement plus avancées sur le plan scolaire.
Plus l’élève progressera sur le plan scolaire, plus sa réussite dépendra de sa capacité à acquérir une connaissance suffisante du langage scolaire et à utiliser les mots moins courants. Le langage fonctionnel se distinguera ainsi du langage scolaire.
Langage fonctionnel | Langage scolaire |
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La capacité d’entretenir des conversations en français scolaire, et ce, dans divers contextes et à l’intérieur avec les autres élèves et les membres du personnel comme à l’extérieur de la classe. | La capacité de comprendre une présentation orale, un film ou une lecture tirée d’un manuel scolaire, alors que l’occasion d’interagir est plus limitée. |
La capacité de parler, de lire ou d’écrire sur des sujets bien connus ou sur un sujet d’actualité dans un domaine d’intérêt pour l’élève (p. ex., émission de télévision). | La capacité de parler, de lire ou d’écrire sur des contenus scolaires qui ont peu de liens avec les apprentissages antérieurs, avec l’expérience personnelle ou avec le contexte immédiat de l’élève, ou qui sont d’un ordre plus abstrait, comme l’étude du cycle de l’eau ou de la croûte terrestre. |
Une connaissance du vocabulaire de base et de mots courants, par exemple le vocabulaire se rapportant aux fournitures scolaires, aux vêtements, à la nourriture, aux jeux ou aux sports, ainsi que le vocabulaire associé aux salutations d’usage. | Une connaissance d’un vocabulaire plus abstrait et de mots moins courants tels que les termes que l’on trouve dans les manuels scolaires ou dans des articles spécialisés. |
La capacité d’utiliser des structures grammaticales et des expressions simples dans des conversations ou dans des messages écrits dans des situations courantes de la vie (p. ex., J’ai faim. Viens-tu manger? Aimes-tu jouer aux jeux à l’ordinateur?). | La capacité d’utiliser des structures grammaticales et des expressions plus complexes pour expliquer un procédé, résoudre un problème ou décrire un apprentissage (p. ex., Il faut tremper la ouate dans de l’huile de lin afin de…). |
L’interaction
L’interaction avec les autres constitue la meilleure façon d’apprendre une langue seconde. Cela doit se faire obligatoirement avec quelqu’un qui a un niveau de compétences langagières plus élevé, mais qui est en mesure d’adapter son registre de langue de façon à bien se faire comprendre de l’apprenante ou de l’apprenant du français. Il faut aussi employer des techniques d’étayage, c’est-à-dire offrir à l’élève des appuis ponctuels comme des phrases modèles et la formulation de questions types de façon à maintenir son intérêt jusqu’à ce qu’elle ou il les maîtrise d’elle-même ou de lui-même. Il est important de multiplier les occasions qui permettent à l’élève de s’exprimer oralement et par écrit au moyen de communications authentiques tout en tenant compte de ses défis langagiers et de sa capacité, selon le palier de compétences auquel elle ou il est rendu.
Les descripteurs de TACLEF fournissent des exemples de diverses stratégies de compensation telles que la communication non verbale et l’utilisation de gestes ou de circonlocutions lorsque l’élève ne connaît pas le mot juste (p. ex., « …l’objet qui sert à planter des clous » pour marteau).
La prononciation et l’accent
La langue française a une musicalité qui lui est propre et qui la distingue d’autres langues. Il est important que l’élève apprenne la bonne prononciation et les accents toniques de façon à bien se faire comprendre en français. Alors que l’alphabet romain est utilisé en français et en anglais, certaines lettres se prononcent différemment selon la langue. Le
Certaines combinaisons de lettres en français telles que les voyelles nasales « in », « on », « en » et « un », et certains phonèmes tels que le « gne » n’existent pas en anglais.
L’élève qui a atteint les paliers 1 et 2 du Continuum de la communication orale peut avoir des difficultés à comprendre et à se faire comprendre.C’est dans de telles situations que l’élève dont la langue d’usage est généralement l’anglais peut avoir des problèmes de prononciation. Cette difficulté se corrige petit à petit à mesure que l’élève est exposée ou exposé à la langue française et qu’elle ou il a une multitude d’occasions de s’exprimer. Par ailleurs, plus l’élève est jeune, plus elle ou il apprendra à prononcer les mots correctement, d’abord par imitation, ensuite par répétition.
Précisons d’autre part qu’un accent, c’est-à-dire les inflexions et les traits de prononciation propres à une région ou à un milieu, ne nuit d’aucune façon à la compréhension. On veillera donc à travailler la prononciation et les accents toniques tout en respectant les accents régionaux ou locaux.
Les congénères interlinguaux et les faux amis
Certains mots français et anglais ont une graphie identique ou similaire. C’est ce que l’on appelle les congénères interlinguaux. Des études ont démontré que l’exploitation des similitudes entre les mots des deux langues peut servir de point de départ pour l’enseignement du français et l’acquisition du vocabulaire. Toutefois, cette stratégie doit être expliquée à l’élève et utilisée de façon stratégique. Il existe aussi ce que l’on appelle les faux amis; par exemple, le mot coin, qui est une pièce de monnaie en anglais, a un sens différent et se prononce d’une tout autre manière en français.
L’élève qui a atteint les paliers 1 et 2 du Continuum en communication orale peut avoir de la difficulté à comprendre et à se faire comprendre. Le personnel enseignant doit tenir compte des défis de l’élève et s’assurer qu’elle ou il ralentit son débit et articule bien. Il est parfois utile d’écrire certains mots au tableau en même temps qu’on les explique, afin que l’élève puisse voir les similarités et les différences entre les deux langues.